Ce concept trop peu connu mérite toute notre attention, car il s'applique aujourd'hui à bon nombre de nos activités sociales. On pourrait le traduire par « point de basculement sociologique », « point critique sociodynamique », « seuil de tolérance » ou encore « angle de repositionnement ». Il se classe dans les expressions de la sociologie et plus particulièrement dans les mutations sociales lorsqu'un phénomène particulier devient commun.

On doit sa découverte en 1957 à un professeur de sciences politiques à l'Université de Chicago, Morton M. Grodzins[1]. Il étudia le comportement d'intégration des voisinages américains de culture différente au début des années 1960. Il constata qu'une majorité de familles blanches restaient à cohabiter parmi un voisinage afro-américain tant que ce groupe ne dépassait pas une certaine proportion d'équilibre. Il observa qu'à partir d'un certain point, qu'il situa à environ 10-20 %, les familles blanches restantes se retiraient en masse selon un processus qualifié de « fuite blanche ». Il nomma ce moment le « tipping point ».

40 ans plus tard, Malcom Gladwell, un jeune journaliste britannique, fit paraitre un ouvrage sous le titre : « Le point de bascule ». Son livre nous invite à observer comment certains détails peuvent tout changer et créer des points de bascule dans la société. Il met en relation la chute rapide de la criminalité à New York dans les années 90 et l’explosion du nombre de suicides en Micronésie à partir de 1965. Il évoque aussi la marque de chaussures américaine Hush Puppies, totalement ringardisée qui soudainement redevient une marque branchée et incontournable à partir de 1995. Autre exemple, une jeune femme est attaquée dans un centre-ville. Devant 38 témoins immobiles, elle va être agressée, puis poignardée avant de mourir. Personne ne lui portera secours. Pourquoi cette complice impuissance générale ?

Tous ces faits ont un point commun, il s'agit d'une épidémie sociale. Malcom Gladwell définira trois facteurs pour expliquer ces phénomènes : « La loi des rares, le facteur d’attachement, et la puissance du contexte ».

- La loi des rares - nous permet de comprendre que dans une dynamique sociale, certaines personnes jouent instinctivement un rôle de meneur. Ils sont moteurs et guident le groupe vers le point de basculement. Ils s'appellent désormais des leaders d'opinion. Ils sévissent sur les réseaux sociaux, nous les nommons, blogueurs, influenceurs, instagrameurs... Ils sont utilisés par toutes les marques et même le monde politique en fait usage pour influencer les électeurs. Ils existent depuis toujours, mais désormais leurs médias sont devenus électroniques.

- Le facteur d’attachement - est la force ou la puissance de pénétration du « message », et surtout, sa durée de vie auprès de sa cible. Tous les publicitaires exploitent ce principe et recherche à toucher les émotions afin de créer un attachement durable par le message diffusé. (Suite dans le livre...)



[1] (Né le 11 août 1917 et mort le 7 mars 1964)