Le crédit bancaire repose sur un principe facilement compréhensible. L’argent tel que le conçoit le commun des mortels, c'est-à-dire sous forme de pièces et de billets n’existe qu’en très faible quantité, du moins insuffisante pour permettre de répondre aux besoins du marché. C’est pourquoi la banque créée de l’argent dit scripturale avec le crédit. Pour être précis, c’est 90 % de la masse totale qui est produite par les banques. Les 10 % restant de notre monnaie sont issus de la banque centrale (nommé BCE en Europe). On les retrouve pour 75% en pièces et en billets et 25% sous forme électronique pour l'usage interbancaire.

Les banques ont donc plusieurs sources pour répondre aux demandes de leurs clients. Sans entrer dans une explication très compliquée, voyons quelques cas classiques :

1.      Les clients A et B sont dans la même banque. Celle-ci gère l’écriture de l’opération et effectue en interne une compensation.

2.      A et B ne sont pas dans la même banque, alors celle-ci va s’alimenter en crédit par l’intermédiaire de la banque centrale qui régule la masse de crédit disponible sur le marché.

Il faut bien comprendre qu’il ne s’agit nullement de matière quantifiable avec une balance comme à l’époque de la pesée de l’or. Désormais, c’est un volume d’encours de crédit que la banque centrale s’autorise à créer en rapport de la production de richesse de sa zone d’action (PIB). Si la banque centrale produit trop de monnaie, celle-ci perdra de sa valeur. Si elle en crée insuffisamment, les taux de crédit vont augmenter et la production nationale va chuter.

« Même si tout n’est pas à prendre au pied de la lettre, je vous conseille de regarder ces vidéos. Il suffit juste de démêler certains points que l’auteur évoque ci-après. »

Une légende urbaine circule sur les réseaux depuis 2006. Elle se nomme : « L'Argent Dette, les secrets de la finance mondiale ». Elle est l’œuvre de l’artiste Canadien Paul Grignon. Grâce à un documentaire sous forme de film d'animation d’une qualité irréprochable, Grignon et son équipe développent durant 52 minutes dans l’épisode 1, puis 90 minutes dans l’épisode 2 et enfin 2h30 dans la version longue du 3ème volet, toute l’histoire de la monnaie et de nos amis banquiers. Si ce film peut avoir par certains côtés un caractère assez pédagogique, on retrouve cependant une erreur fondamentale. Il est expliqué que l’argent n’existe pas et que le banquier le créer à volonté avec un simple jeu d’écriture. Cette idée est en effet nettement trop simpliste. Grignon créé la confusion chez le spectateur entre la monnaie et le crédit. Il est exact que la banque créer autant de crédit qu’il lui est permis (selon des critères de garanties bien définies selon les pays), mais elle ne produit aucun argent dans le sens où chacun l’entend. Pour être plus précis, la différence entre les deux est la suivante. Chacun pense que la banque fait tourner une sorte de planche à billets selon sa volonté alors qu’en réalité, elle nous prête un chéquier dont elle sera responsable des montants dépensés. Cette différence est fondamentale. Si le pays produit 1000 et que la masse de billets imprimés est de 2000, tout va coûter deux fois plus cher pour s’équilibrer. Si en revanche, le banquier vous permet de dépenser 2000, il vient d’autoriser un crédit pour une somme que vous lui rembourserez. Toute la différence est là et elle est de poids.

Mais alors, si vous empruntez à une banque, que celle-ci emprunte à la banque centrale, que cette dernière emprunte à son tour sur les marchés mondiaux et ainsi de suite… tout le monde se fait confiance en espérant que chacun pourra rembourser. Le problème de ce système réside dans le fait que la garantie de chacun des emprunts coûte à tous les étages, mais surtout qu’il s’agit d’un casino géant où chacun fait des paris sur le futur. Lorsqu’une bulle spéculative se créée, elle va immanquablement exploser et entraîner ainsi une crise qui pénalisera toute l’économie. Tout ce système est un marché ou la confiance dans le crédit se gère au sein d’un circuit fermé. Il s’agit d’une sorte de bulle parallèle au marché du travail. Nous avons d’un côté un espace d’échange entre les travailleurs et de l’autre côté un espace financier qui gère les transactions de contreparties.

Tout ce système nous convient actuellement, puisque nous n’en connaissons pas d’autre. Cela revient à demander à l’habitant d’un village africain s’il est heureux d’avoir un puits à 500 mètres de sa case. Il répondra que c’est une chance, puisque son cousin doit faire quant à lui 2 kilomètres pour s’approvisionner. Aucun des deux ne peut imaginer qu’il pourrait avoir l’eau courante à la maison. Il en est de même avec notre système financier actuel. Pour mieux comprendre voyons deux histoires :

Histoire n°1

Une communauté de 6 personnes souhaite réaliser une expérience. Durant une année, elle veut vivre en autarcie complète sur une île déserte. Chacun des 6 cobayes maîtrise une activité spécifique. Le premier est menuisier, le second est jardinier, le troisième est pêcheur, le quatrième est chasseur, le cinquième est cuisinier, le sixième est banquier. Ils arrivent tous les 6 sur l’île avec leurs outils pour les uns et l’argent personnel pour le banquier afin d’amorcer son activité. Assez rapidement, chacun prend ses marques, s’installe, et s’organise pour les 12 mois à venir. Une semaine plus tard, tout est prêt, le menuisier s’est déjà constitué un stock de meubles en bois qu’il va vendre aux 5 autres. Idem pour le jardinier qui a semé ses graines de salades de tomates et autres légumes en vue de leur revente dès la récolte. Le pêcheur s’est mis à l’œuvre et peut ainsi offrir à chacun ses poissons. Son collègue le chasseur est au même point avec ses gibiers. Il reste le banquier, qui est passé voir les 5 autres habitants de l’île pour leur proposer ses services. Comme ils ont eu besoin de se meubler, de manger divers aliments, il a déjà fait circuler quelques billets au sein de l’île. Les autres membres ont ensuite utilisé cet argent pour faire leurs achats. Certains sont même venus lui emprunter quelques euros afin de financer l’achat de meubles chez le menuisier. L’économie s’installe peu à peu et nos aventuriers s’apprêtent à vivre une année sur ce bout de terre immergée.

Histoire n°2

Cette variante de l’histoire n°1 commence de la même manière, à l’exception du 6ème membre qui n’est pas banquier… il est boulanger.

Certains peuvent se demander comment cette variante peut prendre corps, puisqu’il manque l’élément essentiel : l’argent.

C’est sur cette base que nous allons explorer un monde nouveau. Notre boulanger réunit les 5 autres membres et leur fait la proposition suivante :

-           « Puisqu’il nous manque l’argent, je vous propose d’utiliser une table sur laquelle nous allons écrire toutes les opérations de comptes de chacun de nous. »

Le chasseur qui était d’un naturel sceptique posa une question :

-          « Comment pourrons-nous démarrer et accorder des crédits sans argent ? »

Le boulanger sourit et traita cette question le plus simplement du monde :

-          « Le vendeur portera un crédit à son compte et l’acheteur un débit. Le débit de l’acheteur sera remboursé lors de la prochaine vente. Quand au vendeur, pour utiliser son crédit, il ira le dépenser chez un de nous. »

 Comme le pêcheur n’avait pas tout saisi, le boulanger compléta son propos : « Si chacun inscrit sur la table ses opérations de crédit et de débit afin que les comptes compensent en permanence toutes les opérations de ventes et d’achats entre nous. Ainsi, le solde de notre caisse générale sera toujours égal à 0 € car le crédit d’un côté engendre systématiquement la même somme inverse de l’autre côté. »

Chacun commença à entrevoir les débouchés. Le cuisinier qui avait étudié la comptabilité et s’intéressait durant ses heures perdues à la finance se hasarda à un commentaire :

-          « Si j’ai bien compris, le système habituel de la banque consiste à financer ses achats avec des économies du passé, ce qui rend les opérations dépendantes des réserves alors qu’avec notre nouveau système nous finançons nos investissements avec le crédit fournisseur, c'est-à-dire le futur, c’est bien cela ? »

En effet, notre cuisinier avait bien compris. Dans le premier cas, nous nous alimentons dans une réserve limitée (épargne ou la création de crédit par un intermédiaire) alors que dans le second, le crédit provient du travail produit, ce qui le rend de facto absolument infini.

En effet, si on multiplie les agents économiques ou si on rajoute des opérations financières par centaines de milliers dans tous nos échanges, le résultat de notre compte général sera perpétuellement à somme nulle. La raison est très simple, l’argent n’est nullement créé ni détruit. Il est le résultat classique d’une contrepartie d’achat de vente. Il ne s’agit que d’une simple opération comptable débit/crédit. Tous les comptables de la terre nous diront que cela est d’une logique implacable.

Chacun de nous comprend donc assez aisément la démonstration ci-dessus. Ce qui entraîne une forte confusion dans les esprits, c’est l’introduction d’un support de paiement (billet ou pièce de monnaie).

La valeur financière ou le résultat de la création de crédit par les banques vient se loger dans un morceau de papier officiel et tout devient confus. Pourtant, si vous faîtes un retrait de 100 euros sur votre compte bancaire, il est facile de comprendre que la banque inscrit une écriture de –100 €. Vous n’êtes ni plus ni moins riche, la valeur nette de vos avoirs est toujours identique. En revanche, ce billet va devenir une marchandise qui vous permettra de troquer un service ou un produit à 100 € contre le papier de même valeur. Vous opérez ainsi un troc entre deux marchandises porteuses de valeurs. Si l’opération bancaire reste une affaire de compte, il s’agit toujours de comptabilité, mais dès que l’argent se déplace sur un support, cela devient un échange de deux marchandises valorisées.

Si vos opérations financières sont effectuées par un organisme bancaire ou par une coopérative de compensation de créances, dans les deux cas, le résultat obtenu est totalement identique pour le client et pour le vendeur. Il s’agit d’une vente pour l’offreur de la marchandise et un achat pour l’acquéreur. Suivant le pays où vous vous trouvez, le respect des règles comptables ou fiscales est exactement le même. Une créance compensée sera toujours taxable de la même manière vis-à-vis de l’état. Nous pouvons dire que la seule différence réside dans l’utilisation du solde de compte. Si vous possédez 100 € de solde bancaire, vous pouvez soit les laisser en compte, soit les retirer en billet, soit demander à la banque de les virer sur le compte d’une tierce personne. Avec un compte de compensation, vous ne pouvez pas obtenir de billets ou de pièces, c’est la seule nuance entre ces modes de fonctionnement.

Maintenant, prenons l’exemple d’un crédit de 100 € dans une caisse de compensation. Vous pouvez payer le garagiste qui accepte votre crédit de compensation de la même manière qu’avec votre carte de crédit bancaire. Seul le tiers de confiance financier change. Comme nous l’avons vu plus haut, vos obligations fiscales sont les mêmes. On peut noter que votre marge de profit ou votre taux de dépense sera exactement le même lui aussi. Vous ne serez ni plus, ni moins riche, avec une caisse de compensation qu’avec une banque.

Quel est donc l’avantage de changer ce tiers de confiance dont il est question ci-dessus ?

« Je ne voudrais pas avoir l’air idiot, mais le crédit interentreprises, ne serait-ce pas justement ce principe qui permet depuis toujours à la grande distribution de jouer avec l’argent de ses fournisseurs et faire son beurre sur les intérêts financiers ? Il est en effet facile ensuite d’imposer ses règles ! »

Pour effectuer les opérations de paiements entre acteurs du commerce, le système bancaire est très au point. Les instruments de paiement sont rodés et assez peu coûteux en frais de fonctionnement réel. L’informatisation quasi-totale du système financier à considérablement réduit les coûts. Par conséquent, si la banque se limitait aux opérations d’extinction des créances, nous vivrions dans un monde économique presque parfait. Lorsque A possède 100 € sur son compte et qu’il paie B, tout va très bien. La banque n’a effectué dans ce cas qu’un transfert d’écriture par le transfert de crédit.